jeudi 7 avril 2011

Le bonheur sur les ondes


Le 11 mars étaient diffusées en même temps deux émissions sur les indicateurs de richesse et sur la question de la mesure du bonheur sur RTBF radio et sur France Inter.
Les invités des deux émissions étaient liés au magazine « Alternatives économiques ». Il s’agissait d’une part de Arnaud Grégoire, journaliste et réalisateur d’un webdocumentaire sur les indicateurs de richesse alternatifs et de Géraldine Thierry, économiste à l’Université Catholique de Louvain (sur RTBF), et d’autre part de Dominique Méda, sociologue et philosophe et de Jean Gadrey (sur France Inter).
Ces deux émissions présentent le grand intérêt d’expliquer ce qu’est le PIB et d’en faire une critique en termes économiques tout en restant accessible.

La critique du PIB

Le PIB mesure la richesse dans un pays donné et pour une année donnée : il calcule la valeur totale de la production interne de biens et services.
Le PIB ne tient donc pas compte de certaines activités dans la société : travail domestique, bénévolat, travail associatif. Cet indice ne prend pas en compte les inégalités de répartition de la production et de la consommation, il ne montre pas les changements du patrimoine naturel ou social.
Dominique Méda donne un exemple de l’absurdité du PIB : plus il y a d’accidents routiers, plus le PIB augmente! En effet, les accidents de voiture font fonctionner les hôpitaux et l’industrie automobile. C’est la même chose pour la déforestation, ça fait grimper le PIB !

Tout en critiquant le Bonheur National Brut Bhoutanais, qui, selon les intervenants présente le défaut de vouloir ériger une notion très individuelle en norme, ces émissions ont le mérite de se poser la question d’insérer la notion de bien-être de la population dans les indicateurs de « progrès ».

Les alternatives au PIB

Dominique Méda et Jean Gadrey, membres du collectif FAIR (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse), expliquent alors que leur travail consiste à faire glisser la construction d’un nouvel indicateur de richesse entre les mains de la société civile. Ils militent pour des processus démocratiques, permettant ainsi à la population de définir elle-même ce qu’elle estime contribuer au bien-être. Les quelques expériences qui ont déjà eu lieu sont par ailleurs un succès (Pays de Loire, Nord).
Une multitude d’indicateurs alternatifs existent déjà, et l’objectif serait alors de les faire converger afin de montrer des tendances.

Ces deux émissions sont riches en informations et en analyse, elles sont disponibles en podcast aux adresses suivantes :

Emission RTBF radio « Tout autre chose », Le bonheur national brut du 11 mars 2011 : http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=857973

Emission France Inter « service public », Faut-il modifier les indicateurs de richesse ? du 11 mars 2011 : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/servicepublic/index.php?id=102325

La richesse autrement


La richesse autrement est un hors série poche du magazine Alternatives Economiques (n°48 de mars 2011, 9,50 €) publié à l'initiative du Forum pour de nouveaux indicateurs de richesse (FAIR). Ce collectif réunit des universitaires et chercheurs qui s'interrogent sur ce que sont les vraies richesses et comment les compter.

Ce hors série traite de problématiques telles que la définition de la richesse, l'utilité des indicateurs et les enjeux démocratiques qui en découlent.
Plus précisément, plusieurs aspects de ces questionnements sont abordés: le PIB et ses limites, le développement humain et la santé sociale, l'écologie, la démocratie, le bonheur, la monnaie...

Le sommaire est disponible en détail sur le site d'Alternatives Economiques (http://www.alternatives-economiques.fr/la-richesse-autrement_fr_pub_1071.html).

mercredi 16 mars 2011

Sortie Cinéma


Indices, film documentaire de Vincent Glenn est sorti en salle le 2 mars 2011 en un nombre très limité de copies.

Ce documentaire part du constat que le PIB est l’indicateur de richesse le plus utilisé aujourd’hui. Or cet indice qui est supposé calculer le niveau de vie des nations ne prend en compte que les richesses créées dans un pays. Indices montre les lacunes et les aberrations du PIB en tant qu’indicateur du niveau de vie.
« Ce documentaire tourné intégralement en 2009 n’arrive qu’en 2011 à se frayer un chemin dans quelques salles grâce à l’implication d’une coopérative nommée symboliquement DHR (Direction Humaine des Ressources).Tous ces éléments indiquent donc de la part des auteurs une volonté de s’affranchir des circuits classiques de distribution, afin de préserver une entière liberté de ton et d’expression. » (avoir-alire.com)
En effet, le film n’est projeté que dans 5 salles et les séances sont rares : http://www.allocine.fr/seance/film-189523/pres-de/?cgeocode=115755
La critique est pourtant bonne :
« Un film relativement difficile d'accès, mais qui fait le pari de l'intelligence de son spectateur et pose, sans simplification ni racolage, des questions stimulantes. » (Le monde)
« C'est ardu, pointu, pas toujours cinématographique, mais si on s'accroche, ce film militant est l'un des plus constructifs qu'on ait vu depuis un bail. » (Première)

Le film est projeté à l’espace Saint Michel à Paris, au Kino Ciné de Villeneuve d’Ascq, au Ciné Roc de Terrasson Lavilledieu, au Max Linder à Ribérac et au Lascaux de Ménestérol.
Si vous faites partie des chanceux qui ont pu voir Indices, n’hésitez pas à nous faire part de vos critiques!

mardi 1 mars 2011

Qu’est ce que la psychologie positive ?

La psychologie positive est parfois appelée la « science du bonheur ». Ne pas s’y méprendre ce nouveau courant de la psychologie qui a émergé au début du millénaire est en réalité bien plus que ça.

Selon une définition de Gable S.L & Haidt J. ( What (and why) is positive psychology ?, Review of General Psychology, 9 (2), 103-110. 2005) la psychologie positive est « l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions ».

La psychologie positive est un courant né sous l’impulsion de Martin Seligman, professeur à l’Université de Pennsylvanie, en réaction à l’omniprésence de la psychopathologie au sein de la psychologie clinique. La psychopathologie soigne les problèmes des gens mais ne se demande pas en amont ce qui peut rendre les gens heureux. La psychologie positive a donc pour vocation d’équilibrer la pratique de la psychologie en s’intéressant également aux points positifs.

Dans une interview, Jacques Lecomte, président de l’association française et francophone de psychologie positive, définit le bonheur comme une harmonie entre le bien-être − sensation éphémère de bonheur − et le sens que l’on donne à sa vie – construit par les relations interpersonnelles, les convictions et l’action. Il explique que sans un équilibre entre ces deux aspects du bonheur, il n’est pas possible d’être heureux.

Jacques Lecomte précise que le bonheur n’est qu’une facette de la psychologie positive.

Cette nouvelle branche scientifique s’intéresse en effet aux aspects positifs de l’être humain à trois niveaux :

Le niveau personnel : comprend l’étude du bonheur et du bien être, de l’optimisme…

Le niveau interpersonnel : comprend l’étude de l’altruisme, de l’empathie…

Le niveau social : comprend l’étude des politiques de santé publiques, de la justice…

La psychologie positive amène un autre regard sur l’être humain et ses interactions avec les autres.
Par exemple Jacques Lecomte explique que la psychologie positive préconise non pas une justice pénale mais une justice restauratrice. Cette conception recommande une confrontation entre la victime et l’agresseur afin de susciter chez lui de l’empathie et l’amener ainsi à reconnaître lui-même sa culpabilité. Cette méthode semble réduire les cas de récidives et satisfaire d’avantage les victimes.

Cette nouvelle conception de la psychologie utilise également le concept de résilience qui consiste à surmonter des événements traumatisants par la mise en valeurs d’aspects positifs. La psychologie positive balaye l’idée qu’il y aurait des « êtres bons » et des « êtres mauvais », elle met en lumière les points positifs afin de tendre vers l’épanouissement de chacun.

A consulter : www.psychologie-positive.net
http://www.youtube.com/watch?v=vHrmghCgYoA

lundi 28 février 2011

Rencontre avec Michael Edwards

La mémoire du monde vous invite
Lundi 7 mars 2011 à 19h
Rencontre avec Michael Edwards pour la parution de son ouvrage
Le bonheur d'être ici
Editions Fayard
" 'Le bonheur nous hante, comme un beau souvenir ou un rêve, comme une perte et une promesse'. Tels sont les premiers mots de l'auteur qui nous propose de réfléchir à des manières contrastées de concevoir la vie sur terre, résumées dans deux expressions: le bonheur d'être ici (Claudel) et n'importe où hors du monde (Baudelaire). Faut-il situer le bonheur dans un ailleurs, au risque de dévaloriser la Terre et de rejeter le cadeau, le présent, qui nous est fait? Ou approfondir le bonheur de l'ici, dans l'espoir de trouver l'infini dans l'inépuisable fini, et de voir chaque être, chaque objet irradié par l'inconnu, le neuf, le possible?
Comment la littérature, la peinture et la musique découvrent-elles et chantent-elles ce bonheur au sein d'un monde aussi malheureux et malade?"
Librairie la mémoire du monde, 36 rue Carnot 84000 Avignon
tel 04 90 85 96 76, lamemoiredumonde@yahoo.fr

jeudi 24 février 2011

Le bonheur…2000 ans d’histoire

L’émission 2000 ans d’Histoire animée par Patrice Gélinet sur France Inter était consacrée au bonheur mardi 2 février 2011. Il s’agissait d’une retransmission datant du 21 septembre 2009 dont l’invité était Georges Minois, historien et auteur de l’ouvrage L’âge d’or, histoire de la poursuite du bonheur (éditions Fayard 2009).

L’émission retrace donc en 30 minutes les temps forts de la poursuite du bonheur au cours de l’Histoire, d’Homère au Bonheur National Brut bhoutanais en passant par la philosophie des Lumières.

Tout commence avec le constat que l’on retrouve à la fois chez les grecs (Hésiode et Homère) et les chrétiens (la genèse) que le bonheur fait partie d’un âge d’or révolu suite à l’imprudence et la faiblesse des Hommes ou plus précisément des femmes. Pandore a ouvert la boîte des fléaux par curiosité et Eve a mangé le fruit défendu, ne résistant pas à la tentation.

Plus tard le bonheur réapparaît comme possible chez les Epicuriens et les Stoïciens mais dans une conception très restreinte et austère. L’Homme peut être heureux en se débarrassant de tous les désirs considérés comme superflu.

Au moyen-âge on retrouve les conceptions du bonheur issues des religions monothéistes. Le véritable bonheur ne se trouve que dans la contemplation divine, il ne peut donc pas être atteint sur terre depuis le pêcher originel. Saint Thomas et Saint François d’Assise reconnaissent toutefois l’existence d’un bonheur incomplet sur terre que l’on pourrait apparenter à la notion de plaisir.

L’époque de la renaissance voit resurgir l’idée d’une poursuite du bonheur sur terre. Ainsi les conquistadors pensaient retrouver le Paradis terrestre en découvrant l’Amérique.
Au même moment, Thomas More écrit Utopia, qui étymologiquement signifie « lieu du bonheur », ouvrage qui imagine un monde heureux. Cet univers imaginaire décrit une société très règlementée et cloisonnée qui témoigne du manque de confiance en l’être humain depuis le mythe du pêcher originel.

Le XVIIIe siècle semble être le siècle par excellence de la problématique de la poursuite du bonheur. Plus de 50 traités sur le bonheur sont écrits en un siècle. Les auteurs (Descartes, Voltaire, Sade…) décrivent un bonheur individuel qui peut être atteint par l’être humain par des moyens simples.

La fin de ce siècle voit naître la notion de poursuite du bonheur collectif avec la proclamation dans la déclaration d’indépendance américaine du « droit à la poursuite du bonheur ».
La déclaration des droits de l’Homme de 1793, restée lettre morte, proclame même en son article 1 « Le but de la société est le bonheur commun ». De telles promesses seront par la suite savamment écartées des textes constitutionnels français.

Georges Minois rappelle à juste titre que le concept de bonheur collectif peut faire l’objet d’une instrumentalisation dangereuse. N’est-ce pas au Cambodge qu’un génocide a été perpétré au nom du bonheur de tous ?

Enfin, Georges Minois et Patrice Gélinet reviennent sur une certaine obsession du bonheur qui semble avoir surgi dans les années 1980. Le Bhoutan, seul Pays dans le monde à avoir adopté le Bonheur national brut à la place du produit national brut comme indicateur économique et social est désormais pris pour exemple par d’éminents économistes (Stiglitz, Sen…) et de nombreuses organisations internationales (OCDE, ONU…).
Cette obsession n’est-elle pas finalement symptomatique d’un certain mal-être né dans les Pays occidentaux de la fin des 30 glorieuses ?

Lien du podcast :

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/2000ansdhistoire/index.php?id=83330

vendredi 18 février 2011

Comment mesurer le bonheur ?

C’est la question que posait Pascale Clark à Stéfan Lollivier, directeur des statistiques démographiques et sociales de l’INSEE et André Comte-Sponville, philosophe auteur de plusieurs ouvrages sur le bonheur, le 24 novembre 2010 sur les ondes de France Inter.

Le thème de l’émission est inspiré directement du rapport Stiglitz, Fitoussi et Sen. Le constat est donc que les indicateurs de croissance actuels ne sont pas suffisants, il est nécessaire d’y intégrer la notion de bien-être.

Les deux invités s’accordent pour dire que le bonheur collectif en soi n’existe pas puisque le bonheur est un sentiment individuel extrêmement subjectif. En revanche, il existe des malheurs collectifs qui sont identifiables et qu’il est possible de corriger au moyen de politiques publiques.

C’est ainsi qu’on ne mesure pas le bonheur collectif mais plutôt l’insatisfaction de chacun, et par conséquent la qualité de vie.

Stéfan Lollivier explique que l’INSEE a appliqué les critères du rapport Stiglitz pour tenter de mesurer la croissance. Ainsi désormais les statistiques comportent des données relatives aux conditions de vie matérielles, à la santé, à l’éducation, aux conditions de travail, aux contraintes financières, à la participation à la vie sociale et à l’insécurité économique et physique.
Si la notion d’amour n’apparaît pas comme un indicateur aisé à quantifier, les questions de cohésions sociales et de confiance dans les institutions devraient pouvoir être ajoutées à cette liste d’indicateurs.

Le philosophe André Comte-Sponville revient sur la question de la définition du bonheur. Il explique alors que le bonheur correspond à tout espace temps dans lequel la joie paraît immédiatement possible même si elle n’est pas encore réelle. A contrario, le malheur serait tout espace temps dans lequel la joie apparaitrait comme immédiatement impossible.

Ainsi, Comte-Sponville considère qu’il y a des aptitudes individuelles à être heureux. Par conséquent, il n’est pas exclu que certains peuples soient plus doués que d’autres pour être heureux. Il illustre son propos par l’exemple des sociétés occidentales qui, dans leur course au consumérisme semblent avoir perdu une certaine aptitude au bonheur.

A la question « l’argent fait il le bonheur ?», le philosophe répond qu’il n’y a pas de corrélation entre des niveaux de richesse et des niveaux de bonheur. En revanche on trouve des corrélations entre les niveaux d’enrichissement, c'est-à-dire le fait d’avoir plus qu’avant, et les niveaux de bonheur. De même, il apparaît que l’enrichissement par rapport aux autres peut être une source de bonheur.
Triste constat symptomatique du consumérisme effréné des sociétés occidentales.

Cette émission a le mérite de poser des questions intéressantes. Les contributions des deux invités sont relativement complémentaires et abordent les interactions entre bonheur individuel et bonheur collectif. On regrette toutefois que le format soit si court et ne laisse pas suffisamment le temps aux invités de s’exprimer.

Lien du podcast :

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/comme-on-nous-parle/index.php?id=98086